L'ancien directeur de l'ERPE raconte le barrage d'Eupen
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Le barrage d'Eupen sur la Vesdre est le troisième réservoir d'eau potable de Belgique. Il est une des pierres angulaires du Schéma régional des ressources en eau. Rodolphe « Rudy » Collienne, dernier directeur de l'Entreprise régionale de production et d'adduction d'eau (ERPE), nous embarque dans l'histoire captivante de la construction de ce mastodonte. Il donnera une conférence sur le sujet le 29 novembre.
« La volonté de construire une réserve d’eau en amont de la ville d’Eupen remonte au début du 19ème siècle, durant l'occupation française. À l'époque, l’industrie textile est très florissante dans la région - notamment à Verviers -. Les besoins en eau des entreprises lainières sont à ce point importants que les petites rivières et les puits qui assurent leur approvisionnement montrent vite leurs limites ». Directeur-chef de service de l'ERPE jusqu'en 2001, juste avant son date de la reprise de la gestion des grands ouvrages par la SWDE, Rudy Collienne connaît très bien le sujet...
Edifier une retenue d'eau d'envergure dans les Hautes Fagnes ou sur la Vesdre semble être la solution idéale. A plus forte raison que l'eau de la Vesdre, très pauvre en minéraux, est parfaite pour laver les laines. Mais la défaite de Napoléon à Waterloo en 1815 renvoie le projet aux oubliettes. Le pays est alors scindé en deux. La plus grande partie est rattachée aux Pays-Bas. Les cantons d'Eupen, de Malmedy et de Saint-Vith passent dans l’escarcelle de la Prusse. Il faudra attendre une quinzaine d'années et l'indépendance de la Belgique pour à nouveau entendre parler de la construction d'un grand réservoir d'eau dans la région. Le tout jeune gouvernement belge est d'ailleurs très intéressé par cette opportunité de dynamiser l'économie locale.
D'abord le barrage de la Gileppe...
Le gouvernement belge fait fi de l'avis des Prussiens pour entamer en 1869 la construction d'un barrage sur une rivière affluente de la Vesdre: la Gileppe ! Les travaux durent 9 ans. Sa paroi, de type poids (c'est-à-dire qui repose principalement sur son propre poids pour résister à la poussée de l'eau), est l'une des plus anciennes d'Europe. Et la capacité de contenance de son lac s'élève, à l'origine, à 13 millions de mètres cubes.
Les frontières se redessinent après la Première Guerre Mondiale. En 1920, le Traité de Versailles octroie à la Belgique les 3 cantons dits « rédimés » au détriment de l'Allemagne. « Plus ou moins à la même époque, en 1920-1921, une terrible sécheresse frappe la région. Le lac de la Gileppe atteint un niveau exceptionnellement bas», évoque Rudy Collienne.
La construction du barrage d'Eupen de A à Z
Les premières études de faisabilité commencent en 1934. Elles consistent à évaluer le débit de la Vesdre et du Getzbach et à préciser l’emplacement optimal. Le choix se porta alors sur le lieu-dit « Spabrunnen » près d’Eupen, en raison de ses caractéristiques géographiques favorables, telles que la présence de vallées encaissées et d'une structure géologique favorable. Les plans tablent sur la création d'un lac artificiel capable de stocker environ 25 millions de mètres cubes d'eau.
Les années qui suivent sont consacrées aux travaux préliminaires : le déboisement des terrains, les études géologiques approfondies et la préparation du site. En 1936, les ouvriers commencent les terrassements pour les fondations du barrage. Ils posent les premiers jalons de ce qui deviendra une infrastructure majeure pour le pays.
« Du fait que la ville d’Eupen est située en aval du barrage, il faut sécuriser au maximum l’ouvrage, explique Rudy Collienne. Les autorités optent aussi pour un barrage de type « poids » de plus de 50 mètres d’épaisseur à sa base pour 63 mètres de hauteur. Tous les matériaux sont acheminés de l’extérieur, ce qui nécessite la construction d’une gare de service sur place. Plus de 4.000 tonnes de matériaux sont réceptionnées chaque jour et le ciment est conditionné en sacs de 50 kg. Des ouvriers spécialisés sont chargés d’ouvrir 1.000 sacs à l’heure. Des grues à câbles sont installées de part et d’autre des rives pour mettre en place le béton qui est préparé par gâchée de 2 m³ ».
La Seconde Guerre mondiale met le chantier à l'arrêt
Fin 1939, les travaux sont ralentis. En 1942, le chantier est suspendu jusqu’à la fin du conflit. « Les trois-quarts du volume total du béton étaient déjà en place à ce moment-là, révèle l'ancien directeur de l'ERPE. Comme le chantier n’est pas considéré comme essentiel pour le Reich, les matériaux et les équipements présents sur le site sont réquisitionnés pour d'autres besoins liés à l’effort de guerre ».
Après 1945, le chantier reprend lentement son cours, grâce notamment au renfort de 600 ouvriers venus d’Italie. Les travaux s'achèvent en 1950. L'alimentation du lac-réservoir (d'une capacité de 25 millions m3 d’eau) est assurée par les bassins de la Vesdre et de son affluent le Getzbach. Elle est ensuite été complétée par un captage réalisé sur un autre affluent de la Vesdre, la Helle et acheminé vers le lac par un tunnel.
Nichée en contrebas du barrage, la station de traitement potabilise l’eau du barrage d’Eupen depuis 1951.