Damien, chef maintenance réseaux
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Damien est parti du bas de l’échelle, les pieds dans la boue en tant qu’ouvrier. Après quelques examens réussis avec succès, il devient le visage central du secteur de maintenance de Arlon. Sous sa supervision et celle de « ses hommes » : 24.000 raccordements pour 574 km de réseau. Des chiffres coeur de cible qu’il connaît par coeur.
Ce photoreportage ne reflète bien sûr pas l'ensemble des missions dévolues aux chefs de secteur de maintenance. Ce n'est pas le but de cette série mensuelle Une journée avec... Nous avons accompagné Damien pendant toute une journée de travail, prise au hasard. Voici comment elle s'est déroulée..
8h13
Damien nous attendait tout en programmant les opérations de maintenance du réseau, en planifiant les réparations de fuite et en préparant les stocks de pièces nécessaires aux entrepreneurs sous-traitants. Si certains ne savent pas comment s’installer quand le photographe est là, lui s’en fiche, il travaille, répondant avec pudeur aux questions du visiteur du jour car peu habitué à livrer ses secrets. Trente années de service à la SWDE après quelques mois dans une usine de chocolat.
9h01
Bureau de Pierre-Yves. Damien et son contremaître s’entendent à merveille. C'est compliqué de recruter pour le secteur car le Luxembourg tout proche attire les forces vives locales grâce à des salaires plus élevés. Deux fontainiers supplémentaires viennent d'être engagés pour renforcer les équipes mais les hauts loyers locaux les empêchent de rejoindre Arlon actuellement.
9h29
Damien est fier et satisfait. Il vient de recevoir le dernier rapport de visite du Service Interne de Prévention qui a attribué une cote de 8,5/10 au chantier inspecté. Tout de go, il l’affiche au réfectoire. L’enthousiasme du travail scrupuleusement effectué est pour lui une mission exaltante qui façonne la vie.
10h03
Zoning d'Aubange. Rendez-vous dans une chambre de visite avec des collègues du processus Exploitation. C’est une jonction importante entre une conduite de 1200mm de diamètre et une de 300mm. Une vanne d’adduction sur la conduite alimentant le réservoir de 2000 m³ de Messancy doit être changée. L’opération s’annonce délicate vu l’exiguïté des lieux. Certaines pièces ne sont plus disponibles en magasin. Damien est inquiet car la réparation pourrait entrainer beaucoup plus de travaux que prévus s’il faut tout changer.
10h27
Halanzy. Sous la croix rouge, l'équipe de recherche de fuite a repéré une anomalie sous l’Athus-Meuse, le tronçon ferroviaire qui relie la ville frontalière d’Athus et la vallée de la Meuse. Damien réalise des photographies pour le dossier à partager avec Infrabel, le gestionnaire de l'infrastructure ferroviaire belge. La conduite en fonte grise passant sous la double voie doit être remplacée par des éléments en fonte ductile qui se distingue des fontes traditionnelles par ses propriétés mécaniques aptes à supporter les vibrations engendrées par le passage des trains.
10h36
Damien parcourt plus de 40.000 km par an. Souvent dans de jolis paysages de prairies grasses bordées de forêts où les embouteillages sont rares. Entre Arlon, Aubange, Messancy, Martelange et Fauvillers, les communes dont il a la charge, il traverse une succession de côtes et de dépressions. Ces reliefs asymétriques dénommés «cuestas» sont le signe distinctif de cette partie de la province du Luxembourg qui échappe aux grands remous du monde mais pas à l’oeil de Damien.
11h01
Place du Marché au Beurre à Arlon. Damien constitue pour son ingénieur un dossier de renouvellement de conduites. Il va mesurer le pourtour de la place afin de connaître la longueur de la conduite à évincer et l’inscrire dans le programme des travaux futurs. Son bilan est clair: il y a 300 mètres de canalisations à remplacer, 2 mois de travaux. Dans la troisième ville plus ancienne de Belgique, la volonté de l’électricien de formation ne s’appuie jamais sur des habitudes mais sur une longue connaissance du terrain.
11h52
Petite visite à Francis, le nouveau magasinier du secteur. Damien vérifie avec lui la disponibilité des joints et des vannes nécessaires aux réparations à l’intérieur de la chambre de visite d’Aubange. Certains modèles de pièces ne sont plus référencés au stock de la distribution. Fin connaisseur des marottes de ses collègues de terrain, Damien trouve exactement les deux pièces dont il a besoin dans le surplus du stock de la production.
13h15
Athus. La nuit précédente, l'homme de garde a été appelé pour une fuite. Il n'a pas réussi à localiser les vannes qu'il devait fermer malgré le plan du secteur. Damien se rend sur place pour comprendre la situation. Il constate que les habitants du lieu ont réhabilité leur devanture avec un joli pavement en pierre naturelle. Comme ils trouvaient les regards de vannes du réseau disgracieux, ils les ont masqués avec deux carreaux émincés, au mépris de la symétrie.
14h36
Rue du Longeau à Athus. L’ancienne cité sidérurgique n’en finit pas de faire peau neuve. Les autorités communales croient dur comme fer en un embellissement progressif de la ville. Dans cette optique de rénovation globale, toutes les conduites et tous les raccordements de la longue rue du Longeau doivent être remplacés. Avec l’entrepreneur et le surveillant de chantier sous-traitants, Damien définit l’emplacement des nouvelles bouches d’incendie.
15h36
Retour au bureau. En suivant Damien, on a reconnu le sportif. L’ancien juge de ligne, qui a évolué en D1 et côtoyé plusieurs Diables Rouges, va traiter ses mails, lire les notes du call center et vérifier la bonne organisation de la semaine. Face à lui, Pierre-Yves le contremaître et Francis le magasinier exposent les détails de l’intervention délicate du lendemain dans une maison squattée. Au pied du porte-manteau,
une pioche, une clé de vannes et la boite à outils de Damien. Il ne s’en est jamais séparé... Même s’il est chef de secteur depuis vingt ans, il lui arrive régulièrement de filer un coup de main à ses fontainiers.
16h28
Entre 16h20 et 16h30, c’est le temps d’un cérémonial quotidien de détente auquel le chef d'équipe tient absolument. Durant ces dix minutes de décompression où tous se retrouvent, les hommes blaguent, racontent les anecdotes du jour et se charrient. Damien ne poursuit pas d'autre objectif que le bien-être de ses collègues de terrain. Il sait que c'est important, car il fut l’un d’eux.
Et une petite anecdote pour conclure...
C’était un vendredi. La fin de journée approchait. Le weekend s’annonçait joyeux et réparateur. Damien et le brigadier Francis rentraient au bureau en voiture, vitres ouvertes. Le chef de secteur se souvient de la chanson que diffusait l'autoradio. C'était "Siffler sur le colline" de Joe Dassin. Sur les trottoirs des ribambelles d’écoliers hilares quittaient leur établissement scolaire au milieu des cris. Les terrasses à l’ombre se remplissaient d’exubérance.
Un appel téléphonique les sort de leur douce rêverie : une fuite au Cora de Messancy ! Même si l’assistante planification avait dit fuite et non pas sinistre, les deux collègues bifurquent en pressant dans la manoeuvre quelques pâquerettes victimes de la fatalité. Ils vont là où le devoir les appelle.
Soudain ils se retrouvent bousculés par des sirènes et des klaxons. Arrivés sur la nationale 89, c’est une caravane de bruits qui les dépasse à toute berzingue : d’abord des motards de police, ensuite des véhicules d’intervention rapide, puis des combis. On n’entend plus les zaï, zaï, zaï de Joe Dassin. Aucune course cycliste ce jour justifie ce trouble de la circulation. Les deux collègues rigolent. Ils s’imaginent président, roi, encadrés par une garde nationale privatisée et accueillis par des bouquets d’églantines.
« T’imagines si c’était pour notre fuite ! » dit l’un à l’autre… Et les voilà quasi arrivés mais arrêtés par un barrage policier déconcertant. Plusieurs agents sont trempés comme des soupes. Il y a 10 cm d’eau sur la route. Tout ce charivari les concernait, c’est effectivement la SWDE qui est attendue ! Non pas pour une cérémonie prestigieuse à flonflons mais pour une canalisation de 300 mm qui a sauté. Tout le zoning est inondé.
Le temps presse, il faut retrousser ses manches et remonter le bas des pantalons. Arnaud et Patrick ont été appelés en urgence. La réparation de la fuite a eu lieu à la lueur d’éclairs bleus intermittents et de lampes de chantier jaunes donnant à ce chaos des allures de piscine transformée en discothèque. Crottés, fourbus, mais enchantés, ils ont quitté la zone à 6h du matin le lendemain dans une torpeur humide et froide. C’était un samedi.