De la chaux à la nanofiltration : l'épopée du traitement de l'eau de la Vesdre
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- Notre eau
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Rudolphe Collienne est la mémoire du barrage d'Eupen et de sa station de potabilisation. Cet ancien directeur de l'Entreprise régionale de production et d'adduction d'eau (ERPE) a été au cœur de nombreuses évolutions liées à la gestion de la qualité de l'eau de la Vesdre.
En 1965, tout jeune licencié en chimie, Rudolphe Collienne rejoint l’équipe de la station de traitement d’eau du barrage d’Eupen, situé sur la Vesdre. Le contexte de l'époque est loin d’être simple : la technologie de traitement est encore en plein développement et la prise de conscience écologique commence tout juste à émerger. « La potabilisation de l’eau dans cette partie du pays était tributaire de deux impératifs antagonistes, explique-t-il. Nous devions assurer à la fois l’approvisionnement en eau pour l’industrie textile et pour les habitants de la région. Et ces deux gros types de clients avaient des besoins différents ».
Lire « Rudy Collienne raconte le barrage d'Eupen »Pour satisfaire à la fois les particuliers et les clients industriels
L’eau issue du bassin versant de la Vesdre, naturellement acide et douce, convenait aux industries textiles qui l’utilisaient pour laver la laine. Les particuliers avaient besoin d’une eau potable moins agressive (plus dure), non seulement pour le confort d'utilisation, mais aussi pour réduire les risques de corrosion des conduites et des tuyaux.
« Lorsque j’ai commencé à travailler au barrage d’Eupen, nous avons effectué les tests de réception provisoire d’une modification importante : la reminéralisation. Ce procédé permettait d’augmenter la dureté de l’eau au bénéfice des particuliers. À cette époque, nous avons utilisé de la chaux à laquelle nous avons ajouté du gaz carbonique (CO2). C’était alors une première européenne tout à fait expérimentale. Ce traitement a été maintenu jusqu’en 2009 ».
Un problème résolu, voilà que d'autres surgissent !
« Par la suite, nous avons constaté que le chlore utilisé pour l’oxydation et la stérilisation de l’eau produisait des produits suspects : les trihalométhanes (THM), explique Rodolphe Collienne. L’élimination des matières organiques présentes dans l’eau brute du barrage n’était pas suffisante. Un biofilm –un amas de particules solides et de bactéries– se formait sur certains points du réseau de distribution. Ce biofilm se détachait des parois internes des conduites et rendait l’eau impropre à la consommation. Il a fallu plancher sur des alternatives pour résoudre ce problème… »
En 1995, des traces de 21 pesticides sont détectées dans les eaux de la Vesdre. En cause, les pluies qui transportent des particules de pesticides pulvérisés à l’intérieur du pays. Ces teneurs –pourtant très faibles– inquiètent le monde scientifique. « Au fil des années, les normes sont devenues de plus en plus sévères et plus nombreuses, confirme Rudolphe Collienne. Quand j’ai débuté ma carrière, on commençait à détecter des microgrammes. Au fil des années, les appareils de détection se sont perfectionnés et nous sommes passés à des analyses en nanogrammes (10-9g/L). À la fin de mon parcours professionnel, au début des années 2000, nous en étions à des mesures en picogrammes (10-12g/L) ».
La SWDE prend le relais
En 2001, la Région wallonne (dont l'ERPE est une émanation) confie à la SWDE la gestion des adductions et des grands ouvrages de production d'eau, dont notamment le complexe de la station de traitement des eaux de la Vesdre à Eupen. Et la résolution des problèmes liés à la formation de THM et de biofilm constitue une priorité.
Diverses techniques sont testées sur une unité pilote pour éliminer les matières organiques problématiques. La solution la plus efficace se révèle être l’intégration d’une étape de nanofiltration au traitement existant. La SWDE entame, en 2006, d'importants travaux de modernisation de ses stations de traitement de Stembert et Eupen. Le projet, aussi connu sous le nom de code VEGI (pour Vesdre et Gileppe), se matérialise notamment par l'installation d'impressionnantes unités de nanofiltration (voir photo).
La nanofiltration utilise des membranes que l’on pourrait comparer à des bas nylon. Elles sont percées de trous de l’ordre du millionième de millimètre qui ne laissent pas passer les matières organiques. Très fines, elles arrêtent les ions de calcium et de magnésium. Il a donc fallu revoir la séquence de traitement pour maintenir un pH acceptable pour l'eau distribuée aux particuliers. L'ajout de calcium et de bicarbonate a dû être déplacé après la nanofiltration.