Danny au musée : le gardien des trésors d'autrefois
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Depuis plus de dix ans, Daniel entreprend de préserver les anciens équipements de la station de traitement d’Eupen pour en faire un musée. L'idée a fait son chemin et son rêve deviendra bientôt réalité...
Décembre 2008. La station de traitement de l’eau d’Eupen bascule dans la modernité*. Les anciennes installations électriques des années ’50 sont définitivement écartées au profit d’un équipement high-tech. Au sein de la station, les collaborateurs s’en réjouissent, car les conditions de travail s’en voient grandement améliorées : meilleur rendement, plus de sécurité, ...
Pour la direction, le matériel qui a fait son temps doit être démonté et éliminé. Ainsi va la vie… le neuf remplace l’ancien. Pour Daniel, l’électromécanicien qui veille à la destinée « technique » de la station depuis 25 ans maintenant, la pilule a du mal à passer. Passionné d’archéologie industrielle, il voit d’un mauvais œil cette mise à la casse. D’autant que ces équipements déclassés ont accompagné son quotidien durant des années.
*À cette époque, la SWDE a investi 40 millions d’euros dans ses stations de Stembert et d’Eupen, afin de réduire la teneur en dérivés chlorés.
Le barrage de la Vesdre, l'un des plus grands réservoirs d'eau de BelgiqueNaissance du musée
Ne faisant ni une ni deux, il s’en va trouver son directeur de l’époque et lui propose alors une solution pour le moins inattendue : "Et pourquoi ne ferait-on pas un musée ? Les locaux où sont installés les tableaux électriques sont inutilisés et il suffit de laisser le matériel en l’état pour garantir sa préservation."
Pour notre directeur, il n’y avait pas problème tant que ça ne gênait pas le bon fonctionnement de la station. Il n’était pas spécialement enthousiaste, mais il n’était pas contre non plus !
Fou de joie, Daniel met alors sur pied son projet de musée. Pour lui, les tableaux électriques seront le socle d’une collection qui pourra être enrichie au fil des années. Sa stratégie : rameuter tous les collègues pour qu’ils puissent l’alimenter en objets rares trouvés dans les armoires et les remises. L’idée est de rassembler tous ces outils d’un autre âge à Eupen.
« J’ai commencé à recevoir des coups de fil de collègues qui avaient mis la main sur de vieux outils et d’anciennes machines mises au rebut. La nouvelle s’était répandue rapidement au sein de la SWDE et beaucoup voulaient contribuer à ce sauvetage. Pour le musée, je choisissais de préférence les équipements qui avaient un rapport avec la station de traitement. Du côté du barrage – du « mur » comme on dit ici – les agents du SPW qui s’en chargeaient me proposaient également du matériel déclassé. C’est comme ça que nous avons pu « sauver » de vieux sismographes, des masques à gaz, des régulateurs, des vannes d’un autre âge ou d’autres objets tout aussi étonnants. À mes heures perdues, je tente de les rénover pour qu’ils puissent être présentables et intégrer la collection du musée. »
L’ « Indiana Jones » de la Vesdre
Mais la mission de Daniel ne s’arrête là. Après ses journées, il se transforme également en « archéologue » industriel pour se mettre en quête d’images d’archives et de documents d’époque. Notre « Indiana Jones » de la Vesdre commence par fouiner dans les vieilles armoires pour en exhumer les dossiers oubliés. Très vite, il sort du périmètre de la station et s’en va glaner des infos dans les archives d’Eupen. Devant cet enthousiaste débordant, les archivistes et autres bibliothécaires de la ville se prêtent au jeu et n’hésitent pas à l’interpeller dès qu’ils tombent sur une perle rare.
« Au fil des années, je suis parvenu à mettre la main sur des documents assez étonnants : des coupures de presse, des comptes-rendus de chantier, des lettres … J’ai même mis la main sur un dossier daté de 1942 et contenant les plans de ce qui devait être la future station de traitement. À l’époque, la ville d’Eupen était occupée par les Allemands et l’ingénieur chargé de la construction l’était également. Comme l’occupation allemande a tourné court en 1944, la station n’a jamais vu le jour. Les plans sont cependant exposés dans notre musée. »
Rêve d’enfant
Pourquoi ce musée ? C’est la question qui nous vient à l’esprit quand on considère la pugnacité et l’enthousiasme débordant dont fait preuve Daniel. La raison est à rechercher dans l’enfance même de notre collectionneur passionné.
« Je suis devenu électricien, car mon père l’était. Enfant, je rêvais d’être comme lui », précise-t-il. « Il se fait que mon père travaillait déjà à la station de traitement et dans les années 80, je m’y rendais en vélo pour aller lui dire bonjour. Du haut de mes douze ans, j’étais fasciné par toutes ces machines dotées de voyants multicolores."
Cette station est un peu ma deuxième maison… J’y ai passé plus de 25 ans de ma vie, et quand je me retrouve tout seul dans ses murs lors de mes gardes, je dois avouer que je m’y sens bien.
Les yeux humides, "Danny" se livre : "Dès que j’ai pu, j’ai suivi une formation d’électromécanicien afin de concrétiser mon rêve. Après quelques années d’apprentissage, j’ai également été engagé à la station de traitement, dans le sillage de mon père. Cette station est un peu ma deuxième maison… J’y ai passé plus de 25 ans de ma vie, et quand je me retrouve tout seul dans ses murs lors de mes gardes, je dois avouer que je m’y sens bien. Et ce, même s’il m’arrive de me retourner brusquement lorsque j’entends un bruit inhabituel au milieu de la nuit (rires). »
Dans quelques mois, le musée qui a vécu une gestation de plus de 12 ans va s’ouvrir au public et intégrer la visite qu’organise déjà l’office du tourisme de la ville d’Eupen...