Dans l’ombre du Schéma directeur : Joseph, dompteur de chantiers mammouths

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Les plans du Schéma directeur de Production envisagent la pose totale de 427 kilomètres de nouvelles conduites. Il faut qu’elles tiennent. Qu’elles suivent le tracé. Qu’elles résistent à la pression. Qu’elles épousent les courbes de terrain. Que les entrepreneurs qui les posent fassent, en fait, correctement leur boulot. Nos surveillants de marchés veillent au grain. Parmi eux : Joseph Stassart. Nous l’avons suivi sur le colossal chantier qui longe l’aéroport de Liège.

Joseph Stassart, surveillant de marchés en Production, est le fils d’un entrepreneur de La Reid (Theux). Très tôt, il a joué dans les tranchées de son père, escaladé des tas de gravats et piloté des engins de chantier sous l’œil attentif des ouvriers paternels. Avec sa voix de capitaine, sa bonhomie et ses mains calleuses, Henry son père en imposait.

Aujourd’hui, Joseph, plusieurs fois grand-père, avec 43 années d’expérience à la SWDE au compteur, et toujours la même énergie, sait comment gérer les sous-traitants. Malgré les évolutions technologiques et de mesure, son biotope a peu changé. Ses innombrables retours à la terre se déroulent toujours au cœur des tranchées mouvantes et temporaires. Son bureau, ses plans, ses dossiers sont à l’arrière de sa camionnette, tel un gitan de papiers. Un bureau de chantier lui offre la possibilité d’une table où poser son ordinateur et recopier ses notes de terrain. Mais il s’y assied mal, comme celui qui goûte peu à l’immobilité et qui est toujours sur le départ...

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Son bureau, ses plans, ses dossiers sont à l’arrière de sa camionnette, tel un gitan de papiers.

De la « Wallonne », Joseph connaît à la fois ses entrailles et ses rêves.Observateur attentif, il sait que la tuyauterie lourde passe par le passé afin d’inonder un avenir qui dorénavant se contrôle par de la fibre optique. Rien ne doit échapper à sa vigilance car les pentes des tuyaux se comptent en millimètres avant de disparaître sous les terres de remblais et le sable stabilisé. La modernisation lui a permis d’apprendre au quotidien, parfois grâce aux ouvriers eux-mêmes.

Gérer un chantier, c’est avant tout à sa psychologie qu’il faut s’atteler. Ce sont les hommes qui réalisent l’ouvrage et il faut slalomer entre les caractères des ouvriers, des fonctionnaires des administrations, des particuliers ou des entrepreneurs.

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Joseph Stassart, Surveillant de marchés Production
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Rien ne doit échapper à sa vigilance car les pentes des tuyaux se comptent en millimètres avant de disparaître sous les terres de remblais

Joseph est un homme d’extérieur qui passe tous les jours sur les chantiers dont il assume la surveillance. La pluie ne lui fait pas peur, sans elle il serait chômeur. Ses habits de labeur embaument l’odeur de la terre mouillée. Dans ce travail nourricier, rien n’est laissé au hasard, tout doit couler de source en ce cordon ombilical qu’on ne doit jamais couper entre les hommes et la nature.

Posés pour un sacré bail

Quand il scrute un raccordement, une déviation ou un tronçon qui sera en place pour des dizaines d’années, Joseph a des airs de notaire analysant un contrat de mariage comme si son avenir en dépendait. Joseph est un guetteur d’horizon, un suiveur de courbes de niveaux et un gardien de détails techniques souvent invisibles pour la plupart d’entre nous.

Avec son appareil photo, il prend la pose pour enregistrer l'évolution des travaux qu’il consigne dans le journal hebdomadaire des travaux. Pose des conduites, des câbles, construction des chambres pour accueillir les appareils,... rien ne manque. Une carte mémoire par chantier. En un rien de temps, ses instantanés figent le temps pour documenter, preuves à l’appui, l’évolution du Schéma directeur.

Joseph a ôté de son vocabulaire le mot travail. Il parle plutôt de « challenge ou d’anticipation des problèmes ». Dans chaque heure passée sur chantier, il y trouve de bonnes raisons d’y être car « l’adduction, c’est du lourd, parfois jusqu’à 180 tonnes de poussée et des diamètres tutoyant le mètre » ! Dans l’ombre des tranchées, il préfère la passion du défi plutôt que la lumière.

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« L’adduction, c’est du lourd, parfois jusqu’à 180 tonnes de poussée et des diamètres tutoyant le mètre »

L’homme de la terre et du bruit

Si Cousteau était l’homme de la mer et du silence, Joseph est l’homme de la terre et du bruit. Ses chantiers sont sous les routes, au milieu des carrefours et autres ronds-points bruyants, déchirés par des pelleteuses et parachevés à la baguette à souder. Crapahutant dans ces dédales, Joseph maître de l’eau et du feu a bon pied, bon œil.

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Tout doit être solide, maintenu, soudé, étanchéifié, raccordé avec force et précision et surveillé

Comme l’explorateur des fonds marins, Joseph vagabonde sous le niveau de la terre, raclant les étançons de sa chasuble fluo pour vérifier le bon ajustement de tubes métalliques pesant plusieurs tonnes que des ouvriers canalisateurs relient entre eux à l’aide d’une grue puissante et d’un minuscule faisceau laser. Tout doit être solide, maintenu, soudé, étanchéifié, raccordé avec force et précision et surveillé car l’eau retorse, toujours à la recherche d’un raccourci, creuse en s’écoulant.

Parmi ces méandres, Joseph est le contemplateur final dont les sentences doivent résister à l’éternelle force de l’écoulement. Si Joseph résiste à la pression, celle qu’il redoute le plus est liée à la complexification de l’administratif. Le Qualiroutes et l’OPDEP1 sont ses cahiers des charges et de surcharge.

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Dans ces tuyaux qui s’enchâssent et se pénètrent au fur et à mesure de l’avancement des travaux, il y a un ballet perpétuel entre le banal et le sublime, entre l’humain et la haute technologie, entre la force dure et la douceur attentionnée. Histoire de la vie en somme. Quand Joseph, spécialiste de la mécanique du fluide, demande aux ouvriers comment s’est passé l’accouplement, les ouvriers apaisés répondent à l’unisson: « comme papa dans maman » ...

1 L’OPDEP est le cahier des charges type « Ouvrages de production et de distribution d'eau potable »