Jean-Loup, les orages de la vue

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J Loup Rajah
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L’histoire de Jean-Loup fait partie de celles qui nous montre que, malgré un parcours professionnel parfois un peu chaotique, tout est possible. Jean-Loup est la preuve vivante que les personnes dites "en situation de handicap" (ce qu'il est devenu au fil du temps) peuvent évoluer dans un emploi sur un pied d’égalité avec les autres travailleurs. Il suffit que l'environnement et l'organisation du travail soient adaptés.

Jean-Loup est non-voyant. Il travaille dans le secteur de l’eau depuis plus de 40 ans. Il n’a d’ailleurs pas toujours été atteint d’une déficience visuelle, ni travaillé à la SWDE. Son poste, comme son handicap, a évolué avec le temps.

« J’ai été engagé par la Régie des Eaux de Charleroi, en tant que secrétaire de direction, dans les années 80. À cette époque, j’étais simplement myope », nous raconte-t-il. Jean-Loup a pour mission de répondre au courrier. Il découvre qu’il est atteint du glaucome, une maladie qui fait perdre la vue.

De myope à non-voyant

La maladie évolue rapidement. Lire le courrier et rédiger les réponses devient de plus en plus compliqué. Le départ à la pension du standardiste est une aubaine. Jean-Loup reprend la place laissée libre. Un poste qui lui plaît et, surtout, convient à ses capacités visuelles.

En 2006, suite à un accident de travail, il perd complètement la vue. « J’avais suivi des cours de mobilité pour apprendre à marcher avec une canne quand je voyais encore un peu. Ce qui m’a fort aidé quand je n’ai plus rien vu ».

On aurait pu me dire qu’on n’avait plus besoin de moi, ce que j’aurais compris

Jean-Loup
Jean-Loup

La SWDE adapte alors son boulot. « Je dois dire que j’ai toujours été bien accompagné par mon employeur. On aurait pu me dire qu’on n’avait plus besoin de moi, ce que j’aurais compris. Non, ici, lui comme moi, on a fait des efforts pour adapter au mieux le poste de travail. Et que je reste intégré au monde du travail, chose très importante pour moi ». Aujourd’hui, Jean-Loup est autonome sur son lieu de travail. Son poste a été adapté à sa déficience visuelle, avec le soutien de l’AViQ, l’Agence wallonne pour une Vie de Qualité.

Rajah : un collègue au poil !

L’indépendance de Jean-Loup a pris une dimension supplémentaire depuis l’arrivée récente d’un nouveau collègue qui le suit comme une ombre dans tous ses déplacements. Ou plutôt qui l’accompagne. Qui le sécurise. Ce nouveau collègue, il s’appelle Rajah. Particularité : il a quatre pattes. C’est le chien guide de Jean-Loup, un adorable Golden Retriever qui occupe également un poste discret à l’accueil de Couillet.

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Jean-Loup et Rajah à leur poste, derrière le desk accueil de Couillet

Pour une relation harmonieuse avec Rajah, Jean-Loup a communiqué une charte de savoir vivre ensemble. Elle détaille toutes les consignes à respecter en présence de Rajah, pour qu’il ne soit pas déboussolé dans son rôle de chien guide. Exemple : il ne faut pas le caresser quand il a son harnais ! Dans l’autre sens, Rajah est éduqué pour respecter l’environnement de travail, qu’il ne perturbe pas par des comportements inappropriés.

Un handicap ! Quel handicap ?

Jean-Loup ne manque pas d’autodérision quand il s’agit de décrire son rôle : « Malgré le handicap ou plutôt grâce à lui, je dois garder un œil et exercer mon droit de regard sur ce qui se passe dans le hall d’accueil de Couillet. Quelques dizaines de visiteurs y transitent quotidiennement: des collègues qui viennent en formation, des prestataires, des fournisseurs ou des clients qui ont un rendez-vous pour la location d’un col de cygne ».

En fait, les collègues ne me voient même plus comme un malvoyant. Ils me voient comme une personne normale. Et moi, de mon côté, étant donné que j’ai vu un jour, j’ai toujours au fond de moi une culture de voyant

Jean-Loup

Pour Jean-Loup, le défi permanent consiste à établir le contact avec les personnes qu’il croise pour la première fois. « On ne voit pas sur mon visage que je suis malvoyant. C’est à moi de faire passer le message, sans que les gens soient mal à l’aise. On assiste parfois à des situations cocasses, comme quand une personne qui me tend un document, sans rien dire, et que je ne réagis pas. Après coup, on en rigole ».

Si vous devez me saluer, n’hésitez pas à vous signaler par votre prénom. Si mes autres sens sont peut-être davantage développés, c’est parfois dur de reconnaître un nouveau collègue uniquement par la voix

Jean-Loup