L’exquise finesse du trait de crayon de Christophe
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En classe, le petit Christophe avait la manie de crayonner dans les marges de ses cahiers d'écolier, au grand désarroi de ses institutrices. Elle n'ont pourtant pas manqué d'y déceler un talent naissant. Cette passion ne l'a jamais quitté, même s'il n'en a pas fait un métier. Aujourd'hui, il dessine pour s'évader et (se) faire plaisir. Mais avec quelle maestria !
Concentré sur sa feuille blanche, Christophe trace d’une main sûre de minutieux traits au crayon. Comme par magie, les traits se font formes et d’un simple crayon naissent les trompes enchevêtrées de deux éléphants plus vivants que nature. En fond sonore, la mélodie hypnotique de Animals des Pink Floyd renforce cette impression de douce quiétude. Aujourd’hui, nous nous faufilons dans les coulisses intimes d’un artiste aussi discret que talentueux. Nous sommes dans l’antre de Christophe Mahiat, un collègue qui travaille au call-center commercial de Verviers depuis janvier 2018.
Devenir dessinateur
Le parcours scolaire de Christophe est guidé par un seul objectif : devenir dessinateur. C’est donc tout naturellement qu’à la fin de ses humanités, il s’oriente - fin des années 80 - vers des études artistiques: « À l’époque, j’hésitais entre des études d’illustrateur ou de designer. J’étais certes passionné par le dessin, mais j’aimais aussi beaucoup la physique et la technique. Finalement, j’ai opté pour les études de designer industriel à St-Luc. Cette formation très complète avait le mérite d’entrevoir la conception d’un objet en tenant compte de plusieurs aspects : ses caractéristiques techniques, son prix de revient, son ergonomie et son esthétique ».
Diplôme en poche, Christophe passe quelques mois sous les drapeaux pour son service militaire. Là, il devient la coqueluche du bataillon car il dessine des portraits pour tous ses amis bidasses. Pour lui, c’est une manière d’entretenir son talent et de se faire des copains. Libéré de toute obligation militaire, Christophe cherche un travail dans le design industriel. La discipline est nouvelle et les opportunités d'embauche sont plutôt rares. Dans le même temps, il se marie et se met en ménage.
« Comme je devais faire bouillir la marmite, je suis devenu vendeur dans un magasin de décoration. Je me suis également installé comme graphiste indépendant complémentaire. Après quelques années, j’ai dû arrêter cette activité car ce n’était plus compatible avec ma vie de famille. D’autant que j’étais passé gérant du magasin et que mes journées étaient bien pleines ».
Le coup de crayon thérapeutique
Après une quinzaine d’années à ce rythme effréné, Christophe craque. Il fait un burnout. Le diagnostic est sans appel : il doit arrêter de travailler quelques mois pour se refaire une santé. « En 2016, je me suis retrouvé à la maison pour plusieurs mois. Pour occuper mes journées et me reconstruire, je me suis remis à dessiner. C’est à ce moment-là que je me suis rendu compte que je n’avais pas perdu la main… que du contraire. Je me suis même surpris à réaliser des dessins dont je ne me croyais pas capable. Je les ai partagés avec mon entourage. Tous m’ont encouragé à persévérer. Lorsque je suis revenu au magasin, j’ai à nouveau craqué. J’ai alors compris que je ne pourrais plus jamais occuper ce poste. Mes proches m’ont alors parlé des opportunités qu’offrait la SWDE. J’ai postulé et j’ai été engagé au call center en 2018 ».
Une passion et non une contrainte
En terme de technique, Christophe est plutôt minimaliste. Il utilise un crayon noir, une feuille blanche et éventuellement une gomme. Et ses inspirations tiennent d’abord d’un coup de cœur : « Comme je dessine d’après photo, je parcours le web à la recherche de sujets qui m’inspirent. Lorsque j’ai eu envie de reproduire de la dentelle, j’ai recherché des modèles avant de tomber sur celui qui me parlait le plus. Je m’autorise à ne pas être fidèle au modèle ».
Indéniablement , on retrouve le designer dans la précision du trait : « J’ai toujours été très rigoureux dans mes dessins. L’abstraction ne m’intéresse pas. À la base, ce qui me plait, c’est de jouer la carte de la simplicité : du noir et blanc, des crayons de différentes graisses et très peu de couleurs ».
Devant tout ce talent, une question s’impose : pourquoi ne pas exposer ? « J’échange juste mes dessins sur les médias sociaux. Pour avoir des avis. Je n’ai jamais envisagé d’exposer mes œuvres car je considère que ma production n’est pas suffisante. Je souhaite que le dessin demeure une passion et ne devienne pas une contrainte. Et à vrai dire, j’ai toujours l’impression que ce que je fais n’est pas digne d’intérêt. En règle générale, j’offre mes dessins à mes proches. Dans certaines circonstances, il m’arrive également de me mettre devant ma table à dessin pour faire plaisir à des amis. J’ai par exemple dessiné le chien qu’une collègue venait de perdre. Elle était tellement éprouvée par ce triste évènement que j’ai eu envie de faire un geste pour la consoler ».
J’ai dessiné le chien qu’une collègue venait de perdre. Elle était tellement éprouvée par ce triste évènement que j’ai eu envie de faire un geste pour la consoler.
Affaire à suivre… car il est plus que probable qu’un tel concentré de talent ne restera pas dans l’ombre très longtemps.
L'Instagram de Christophe