Philippe, préleveur échantillonneur

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LAURENT 102
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Avec ses fioles, bouteilles et bidons en tous genres, Philippe a des attitudes méticuleuses propres aux collectionneurs de timbres ou de papillons. De son métier, il parle fièrement et avec enthousiasme. Avec un interlocuteur de cette valeur, la cause des contrôles de qualité de l’eau ne peut être mieux servie. L’homme inspire confiance. Ses cheveux jadis châtain foncé ont viré au blanc. Mais leur coupe militaire lui donne des airs de pilote de chasse américain.

Ce photoreportage ne reflète bien sûr pas l'ensemble des missions dévolues à ceux que l'organigramme définit comme étant des techniciens chimie-process. Ce n'est pas le but de cette série mensuelle Une journée avec... Nous avons accompagné Philippe pendant toute une journée de travail, prise au hasard. Voici comment elle s'est déroulée..

7h50

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Beez - Depuis 7h00, Philippe prépare ses bouteilles, son matériel de test et étalonne ses appareils de mesure. C’est une tâche quotidienne obligatoire. Si, officiellement, sa journée de travail commence à 8h, il préfère venir une heure plus tôt dans son bureau namurois afin de terminer sereinement cette étape préparatoire et prendre la route rapidement.

8h10

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Dernière étape, la préparation des étiquettes à coller sur les échantillons. Après ses études de soudeur et de spécialiste en machines-outils, Philippe a travaillé en usine. Dans l'une, on y broyait du plastique. Dans une autre, on fabriquait des cornets de glace. Puis, durant 10 années, il s’est occupé de l’entretien des terrains de la SWDE. Le temps d’apprendre la rigueur et l’art d’être consciencieux. Pour son métier actuel, il a suivi une formation de trois mois à la SWDE.

8h21

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Il ne s’agit ni d’un départ à la pêche, ni d’un week-end en camping. Lestées de nombreux blocs réfrigérants, les trois glacières emportées par Philippe recevront les échantillons en cours de tournée. Si la température de l'eau prélevée augmentait, cela entraînerait une croissance microbienne et fausserait les résultats des tests du laboratoire de Fleurus.

8h46

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Réservoir de Lives-sur-Meuse. Des petits ouvrages comme celui de Lives-sur-Meuse (20 m³) ont pour mission de réguler la pression et le débit de l'eau entre les phases de production et de consommation. Régulièrement des prélèvements de contrôle y sont réalisés. Dans sa camionnette, Philippe dispose d’une balayette car « Les principaux ennemis du préleveur, ce sont les araignées ».

8h49

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S’il n’a pas atteint le stade de l’arachnophobie, l’homme de Faulx-les-Tombe avoue détester les bêtes à huit pattes. Se remémorant sans doute la comptine de l’araignée Gipsy qui détestait la pluie, donc l’eau, Philippe exécute les prélèvements en suivant rigoureusement le protocole !

9h25

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Perwez (Brabant wallon). Un entrepreneur pose un lapin à Philippe. Il devait installer un col-de-cygne sur sa conduite afin de permettre une prise d’eau. Mission impossible pour le Top Gun du prélèvement. Habitué à ces turpitudes de planning qui ne laminent pas son moral inoxydable, il reste zen. Un nouveau rendez-vous sera programmé.

10h15

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Réservoir de Saint Marc (4.000 m³). Les prélèvements se poursuivent pour l’homme qui a l’habitude de passer entre les gouttes. Une pathologie dorsale a failli l’arrêter dans sa course. Une arthrodèse lombaire, opération qui consiste à fusionner des vertèbres entre elles, lui a permis de continuer à travailler. Mais le foot, qu’il pratiquait assidument, pour lui, c’est fini.

10h33

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Le métier de préleveur a deux facettes. Une, solitaire, où il faut aimer sa propre compagnie, dans les réservoirs et autres retenues d’eau où les opérations se déroulent en silence. Une autre, conviviale où, chez les particuliers ou les entreprises, clients de la SWDE, il faut tenir la conversation. Philippe excelle dans les deux exercices.

11h16

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Une famille vient d’aménager dans cette ancienne maison. Comme elle s'inquiétait de la qualité de l’eau, elle a demandé une analyse à la SWDE. Le silencieux Philippe se métamorphose en moulin à parole. Il sait comment installer la confiance alors qu’il s’immisce dans l’intimité des clients, dans leur cuisine ou leur salle de bain, là où les robinets s’offrent à lui. Sa parole est à l’image de l’échantillon à analyser : elle coule de source. Fox surveille les opérations...

Mon boulot, c’est du sérieux. Un échantillon raté, ce sont au moins cent personnes qui n’ont pas leur eau vérifiée. Et çà c’est grave. La reconnaissance par le labo de mon travail bien fait, c’est plus important que mon salaire

Philippe
Philippe, Echantillonneur préleveur à Beez

12h18

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Station de pompage de Bauce. Aux arbres mitoyens de la station de pompage s’étend une zone de tranquillité. Après son prélèvement dans l’installation, Philippe prend son déjeuner en une quinzaine de minutes à l’ombre des feuillus. Il ne traine pas afin d’être certain de réussir à boucler sa liste de prélèvements de la journée.

12h47

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Temploux, rue Bout du Village. Prélèvement à la demande d’un particulier qui utilise l’eau de son puits. Le planning du technicien est au cordeau. Il le respecte, s’adapte, s’organise. Les rendez-vous s’enchainent pour cet homme discret, rigoureux, qui ne veut pas s’exposer aux critiques. Philippe est ultra méticuleux. Il avoue s’occuper du ménage chez lui avec plaisir. Vie privée et professionnelle maitrisées avec une assurance assumée, des propos calibrés, des choix parfaits, toujours dictés par le devoir et le bon sens font de lui un maître du temps.

13h01

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A l’arrière de sa fourgonnette, Philippe se transforme en laborantin. Il relève le pH de l’eau (acide, neutre ou alcaline), la turbidité, le chlore, la conductivité (concentration et nature des substances dissoutes), la température etc. Il encode les données dans un programme informatique. Il les inscrit aussi manuellement car il redoute la panne d’ordinateur.

14h15

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Philippe et le GPS sont perdus. Difficile de retrouver le réservoir du Bois de la Flache dans cet enchevêtrement de chemins forestiers. On s’énerve. Pas lui. Philippe ne ressemble à personne et c’est ce qui le rend intriguant et sympathique. Deux marches arrière, un sourire et hop il a retrouvé la bonne direction.

14h54

LAURENT-408

Réservoir du Bois de la Flache. L’eau de chaque puits doit être analysée et référencée. Dans ce métier de transparence, il n’y a pas de place pour l’erreur ni même l’approximation. Bernard, un collègue TIP (technicien en infrastructures de production), explique à Philippe comment repérer sur le panneau électrique le puits qui est en train de tourner.

15h07

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Philippe est concentré. Quand la dernière fiole est rangée, il se confie. Longtemps après l’éviction d’un collègue peu scrupuleux dans ses prélèvements, il souffre encore moralement de cet affront à la profession. Même s’il n’était en rien responsable, cette incurie l’a personnellement blessée car pour lui, état d’esprit et compétences forment un tout pour atteindre ses objectifs. Il raconte ce triste épisode avec des accents de sincérité brute extrêmement touchants.

15h51

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Ultimes prélèvements réalisés. Moment choisi pour évoquer ce qu’il préfère dans son travail. Primo le contact avec les gens, chez des particuliers, dans les usines ou les crèches où il est toujours le bienvenu. Preuve de sa qualité de contact exceptionnelle qui maintient haut la belle tradition du service public. Secundo, l’importance de son travail pour la santé publique. Il dit : « un échantillon raté, c’est minimum une centaine de personnes qui n’auront pas leur eau vérifiée ». Et ce qu’il déteste : « la route et ses chantiers, ses déviations et son trafic », susceptibles de pourrir son programme.

16h24

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Beez. De retour au bureau, Philippe et son collègue Grégory, préleveur lui aussi, encodent leurs résultats destinés au labo de Fleurus.

16h53

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Les échantillons de la journée préparés au thiosulfate, agent fixateur ou neutralisant, avec des trihalométhanes (THM), sous-produits de désinfection ou avec de l’acide nitrique doivent être replacés dans des glacières qui seront emmenées par coursier au labo de Fleurus. C’est l’ultime étape de la journée. Philippe observe l’horloge murale, il est dans les temps. Content…

17h05

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Fin de journée. Philippe s’en va rejoindre sa compagne infirmière, ainsi que Kim son bouledogue français et Myrtille, Mulan et Onyx ses trois chats Shorthair. Changer leur eau, programme connu...

Et une petite anecdote pour conclure...

C’était une belle journée d’hiver. Dans la région de Bouillon. Philippe a rendez-vous pour un prélèvement dans un restaurant étoilé non loin de la Semois. Sur la route, il a longé les méandres embrumés du cours d’eau, ceux-là même qui encerclent une colline rocheuse où un géant aurait son tombeau.

Philippe et sa glacière dénotent en pénétrant dans cet univers de luxe et de raffinement. En poussant la porte de l’établissement, il pense mal tomber, mettre les pieds dans le plat car il est midi ! Avant de se rendre aux cuisines, avec la souplesse d’un courant d’air, il a le temps de voir que peu de clients occupent la salle à manger. Le chef l’accueille avec sympathie. Alors que l’eau remplit les fioles, ils discutent. Le chef lui, range quelques casseroles. A l’heure de quitter l’établissement, l’artiste culinaire lui demande s’il veut manger. Philippe, n’a pas les moyens des ambitions du chef. Qui lui dit : je vous offre le repas, bien sûr !

Dans la Renault Kangoo de service, les tartines au fromage attendront même si c’est l’heure de la pause déjeuner. Philippe n’a pas retenu le nom des plats mais se souvient d’une truite cuite au beurre demi-sel, de légumes du jardin à la vapeur, d’un curry citron vert, d'un ris de veau aux noisettes, d’un concentré de cèpes et d’une crème brûlée à la rose. Professionnel et faisant honneur à la société qui l’emploie, Philippe n’a bu que de l’eau du robinet !