Alain a 9.000 pieds sur terre

Notre petit pays a conquis la planète avec ses bières. Et pourquoi est-ce qu’elle ne le ferait pas avec ses vins ? Le succès de certains de nos crus (le Château de Bioul, les cuvées Ruffus, le Chant d’Eole) peut nous le laisser croire. En dix ans, le nombre de vignobles belges a doublé. Il dépasse les 1.000 hectares de vignes ! Et forcément, le nombre de viticulteurs, professionnels ou amateurs, est lui aussi en pleine croissance.

Parmi ces nouveaux vignerons noir, jaune, rouge : Alain, fontainier maintenance à Eupen : « L’idée de faire du vin s’est imposée il y a deux ans, lors d’une joyeuse soirée entre copains. Notre ami Benoît Johnen, le fondateur de la brasserie Grain d’Orge, nous annonce qu’il a l’intention de planter quelques pieds de vigne sur un terrain particulièrement bien exposé à Hombourg. Et qu’il a besoin de mains, de sourires et de bonne volonté pour mener à bien ce projet ».

L’idée fait son chemin. L’objectif est de réunir treize « associés » afin de se répartir la tâche. En quelques semaines, l’affaire est entendue. Les 13 potes défrichent la prairie pour y planter les premiers pieds de vigne. C’est que le projet n’est pas de la « petite bière » (si l’on ose ainsi s’exprimer). La pente s’étend sur plus de deux hectares et demi, ce qui correspond à plus de 9.000 pieds à planter.

« Personnellement, je suis complètement débutant, poursuit Alain. J’aime bien le vin comme tout le monde, mais je n’avais jamais approché un vignoble de près. Je n’étais pas le seul dans ce cas-là. Heureusement, Benoît nous a transmis ses connaissances. Dans un premier temps, nous avons dû choisir les cépages. Nous voulions sortir un peu des sentiers battus en évitant le sempiternel Müller-Thurgau ».

La première année est également celle des premières erreurs. Les viticulteurs en herbe constatent que les plants ne sont pas assez vigoureux et que les greffons doivent être recoupés pour gagner en vigueur. « Nous avons travaillé à quatre pattes sur un vignoble dont la pente est quand même bien raide. Nous avons peiné… mais comme on dit, c’est dans l’adversité que l’on progresse ! »

Le travail s’est avéré ardu. Ce qui n’a pas surpris Alain. Le viticulteur français qui leur a vendu les pieds de vigne avait annoncé la couleur en déclarant à la presse, au moment du lancement du projet : « Je viens surtout de leur vendre du travail, beaucoup de travail » !

Dans le même temps, les treize amis visitent quelques vignobles en Allemagne pour racheter des grappes à vendanger. « Nous savions qu’il nous faudrait attendre quelques années pour effectuer les premières vendanges sur notre Domaine. Nous voulions en fait prendre un peu d’avance pour nous faire la main et apprendre le plus vite possible les techniques de vinification. Un viticulteur allemand nous a bien aidé. Comme je suis germanophone, c’est moi qui ai servi d’interprète auprès de mes camarades. On a bien rigolé, car il y avait beaucoup de termes techniques très compliqués à traduire… ».

En 2022, les « 13 » ont réalisé leur première cuvée avec du pinot gris. A en croire Alain, les résultats étaient plutôt très satisfaisants : « Ce vin blanc tenait relativement bien la route » ! Cette année, ils se sont mis en tête de vinifier une cuvée de rouge. Une expérience visiblement plus compliquée…

Le vin blanc qu’ils ont aussi vinifié cette année est très différent de leur première cuvée : « Très pomme verte ! On attend avec impatience le résultat final ».

Comme leur idée n’est pas d’effectuer de gros profits, les treize copains privilégient une agriculture raisonnée avec de l’outillage mécanique. « Il n’est pas question de faire dans le chimique. Notre objectif est de proposer de beaux produits. Si ça doit prendre du temps, ça prendra le temps qu’il faut ! Côté famille, ma femme et mon fils de 8 ans sont très fans et n’hésitent jamais à nous donner un coup de main ».

Et la suite ? « Nous comptons construire une structure pour implanter notre chai sur le terrain et y installer notre pressoir pneumatique. Pour l’instant, notre matériel est chez un agriculteur du coin qui accepte de nous héberger.

Nous aimerions également aménager une salle de dégustation afin que les amateurs puissent venir y déguster nos productions. Et puis, nous avons encore la possibilité de planter 1,5 ha de vignes sur le site ». Alain n’est donc pas prêt de lâcher la grappe…