Francis, analyste de risques et incidents

Catégorie
Nos métiers
Temps de lecture
7 min de lecture
BEUKEN Francis 161
Date de publication

Chimiste de formation, Francis est entré à la SWDE il y a trente ans comme préleveur. Aujourd'hui, son boulot c’est prévoir, prévenir et envisager le pire. Ses rapports et études des sites qu'il inspecte, complétés par ses alertes et recommandations ne tombent jamais à l’eau. Ce métier qui le passionne autant qu’il ne le rend heureux, produit un contraste communicatif entre un air toujours concentré et un sourire espiègle.

Ce photoreportage ne reflète bien sûr pas l'ensemble des missions dévolues aux analystes de risques et incidents qui contribuent à l'amélioration de la maîtrise de notre qualité de l'eau, via la mise en place du plan de gestion de la sécurité sanitaire de l’eau ou PGSSE. Ce n'est pas le but de cette série mensuelle Une journée avec... Nous avons accompagné Francis pendant toute une journée de travail, prise au hasard. Voici comment elle s'est déroulée..

En savoir plus sur le PGSSE

8h36

BEUKEN_Francis-54

Aywaille - Quand on le rencontre sur les hauteurs de la commune, Francis est déjà occupé à enregistrer visuellement l’entrée de la station de pompage d’Harzé Mont. D’emblée on comprend qu’il préfère le grand air, la pluie fine, les routes ardennaises serpentines et même leurs nids de poule à l’univers feutré d’un bureau fermé, même s’il est en open space.

9h09

BEUKEN_Francis-81

Station de pompage d'Harzé Mont - En observant Francis examiner les lieux de ses missions, on pourrait penser qu’il souffre de paranoïa aigüe, qu’il voit le mal partout, qu’il nourrit des complots qui menacent aussi bien les équipements des bâtiments qu'il inspecte que la qualité de l'eau et, in fine, la santé publique. Mais ces angoisses théoriques échafaudées sont en réalité une aptitude professionnelle à imaginer le pire et à le recenser pour qu’il n’arrive jamais.

9h14

BEUKEN_Francis-90

La mission de Francis consiste à visiter nos sites afin d’analyser les risques potentiels de dégradation de la qualité de l’eau depuis la prise d’eau jusqu’à sa distribution.

9h17

BEUKEN_Francis-96

Chaque élément technique inspecté dispose d’un QR-code unique qui permet son identification sans aucune erreur possible. C'est le résultat d'un projet mené par la Maintenance. Francis jongle avec principalement trois logiciels pour gérer et compiler ses données de terrain : le LIMS (gestion du suivi des analyses d'eau), ELYX Web (plans de réseau) et SAP.

9h45

BEUKEN_Francis-11

Attentif à ses lectures du terrain, son œil décèle tout. Francis a remarqué un excès de cardamines des prés sur le toit du réservoir de 225 m³ d’Harzé. Cette plante herbacée vivace qui aime les prairies humides trahit une surabondance d’eau. Constat et recommandation fusent : il serait utile de drainer le périmètre spongieux afin d’éviter des infiltrations d’eau dans la cuve.

10h02

BEUKEN_Francis-168

L’intérieur du réservoir est également inspecté. Francis est un guetteur du temps et de traces. Il voit son univers professionnel comme un terrain d’exploration et de découvertes. Toute aberration le stimule et retient son attention. Pour lui, le passé doit s’expliquer, le présent s’étudier et l’avenir s’imaginer. Quand il annonce une modification à apporter, un détail à corriger, une nouvelle donnée à prendre en compte, ses yeux brillent.

11h58

BEUKEN_Francis-204

Château d’eau d’Harzé - Sur son smartphone, le chimiste explorateur remplit systématiquement un formulaire en ligne où une liste de questions types est proposée. Ce document constitue un des éléments d’entrée du plan de gestion de la sécurité sanitaire des eaux (PGSSE), selon la méthodologie formalisée par l’OMS et promut par la Directive Européenne sur l’Eau Potable.

12h06

BEUKEN_Francis-224

Pour répondre aux questions qui concernent l’environnement du site, sa sécurisation, son accessibilité, sa structure, son alimentation électrique etc, Francis est ici, et là, puis encore ici. En perpétuel mouvement, son œil de lynx est à l’affut, comme celui du prédateur, attentif au moindre signe capable de révéler une information utile, parfois même vitale.

L’être humain doit être en formation permanente. Ça fait trente ans que je le suis. Cela est absolument essentiel face aux mutations technologiques, face aux enjeux écologiques, face aux défis économiques, sinon c’est la mise hors-jeu.

Francis
Francis, Analyste de risques et incidents - Verviers

13h26

BEUKEN_Francis-277

Réservoir d’Aywaille Chalet - Entre deux tartines, Francis dit de la Wallonie qu’elle est un territoire magnifique et qu’il a de la chance d’être payé pour l’arpenter. Il visite dix sites par semaine et y passe une à deux heures pour tout inspecter. Ensuite il rend un rapport de limitation des risques de pollution qui entraîne des actions correctrices. Lorsque celles-ci sont effectuées, un nouveau contrôle est réalisé. Ce Plan de Gestion de la Sécurité Sanitaire de l’Eau est une obligation européenne qui doit être terminé pour 2028.

14h24

BEUKEN_Francis-315

Francis termine l’inspection du réservoir d’Aywaille Chalet. Le calcaire qui flotte à la surface de l’eau surnage en permanence et y reste ainsi piégé.

15h49

BEUKEN_Francis-361

Arrêt d’orientation devant la gare de Bomal. Francis imprime ses propres cartes où il a positionné les sites à analyser. Il aime se repérer dans l’espace par ses propres moyens. Il passe de la technologie la plus avancée au naturel sans difficultés. Si les molécules et les atomes sont des collègues de bureau, en dehors de celui-ci, il côtoie avec la même passion les champignons des bois pour des fricassées, les bouleaux pour leur sève, les orties pour la soupe et les fleurs sauvages pour les tisanes. Il y a dans cet alliage entre la science moderne et le savoir ancestral quelque chose de très romanesque.

16h05

BEUKEN_Francis-376

Captage de la Cressonnière - Francis termine ses visites de la journée sur le site d'un captage en émergence naturelle près de Durbuy où 200 m³ y sortent de terre tous les jours. Il suffit d’y ajouter un peu de chlore. Ces doses sont indiquées dans le carnet de passage. Moment de réflexion sur l’eau de qualité qui est de plus en plus rare et d’autant plus convoitée...

Et une petite anecdote pour conclure...

C’était en mai. Il avait plu. Francis était parti chlorer le réservoir de Setz, en pleine nature, près de Saint Vith. La solution en goutte à goutte distribuée, il discerne un parfum suave et légèrement musqué. L’odeur est si forte qu’elle prend quasi le dessus sur celle du chlore. Revenu à l’air libre, Francis l’identifie sans le moindre doute, c’est du muguet. Il contourne le bâtiment et, à l’ombre du sous-bois d’une hêtraie adjacente, il se retrouve face à un gigantesque tapis vert et blanc. Des milliers de fées clochettes en pétales embaument la scène. Le chimiste ne peut que s’émerveiller de l’instant bucolique étranger à ses formules. Quand se tenir à l’affût est une ligne de conduite, cette herbacée vivace ne le laisse pas indifférent.

De la botanique, il passe à l’histoire car Léonard, un ermite réfugié en forêt dût s’y battre contre un dragon selon une légende chrétienne. Sorti vainqueur du combat, on raconte que les gouttes de sang que versa le saint homme au cours de la bataille se mélangèrent à de l’eau et donnèrent naissance à des pieds de muguet. Depuis il se dit que le muguet porte chance.

Francis décide alors de cueillir quelques brins pour son épouse Viviane. Il avance doucement, pour ne pas écraser les hampes de fleurs lorsque, soudain, une petite masse arrondie couleur cannelle et tachetée de petits points blancs se devine. C’est un tout jeune faon. Il est immobile. Seuls les cils bougent. A peine né, il ignore le péril. Francis, homme des bois pendant ses temps libres, sait qu’il ne doit pas le toucher. La mère partie se nourrir a laissé son petit caché là avec interdiction de bouger pour éviter les prédateurs. Francis l'observe quelques secondes comme à travers un judas magique puis recule doucement et s'en va, à la grâce de la biche. Pour un chimiste, la cohabitation du grandiose et de l’infime est un classique…