René, technicien datalogger

Ce photoreportage ne reflète bien sûr pas l'ensemble des missions dévolues à René et son collègue Patris. Ce n'est pas le but de cette série Une journée avec... Nous l'avons observé pendant toute une journée de travail, prise au hasard. Voici comment elle s'est déroulée...

Couillet - René déteste être en retard. Alors, il arrive toujours en avance. Depuis plus d’un quart d’heure, il s’affaire dans son bureau, penché sur les données des serveurs et les messages venus de la cellule de détection de fuites. L’intitulé officiel de son poste « opérateur logisticien » ne dit pas grand-chose à ceux qui n’en sont pas. À sa famille, il résume simplement : je place et je répare des appareils électroniques qui relèvent les index et les envoient à distance. Un métier discret, technique, mais essentiel. Comme lui.

Dans ses tableaux Excel, quelque 1.500 débitmètres et 2.200 enregistreurs de données (dataloggers en anglais). Ils veillent silencieusement sur le passage de l’eau. Ces appareils autonomes consignent, à intervalles réguliers, les moindres variations du réseau. En croisant les données, on peut repérer les anomalies : ici, un défaut de transmission; là, une fuite insidieuse.

René dépend de Denis auquel il rend une visite courtoise avant de prendre la route. Avec son alter ego Patris, ils sillonnent chaque année entre 60 et 80.000 kilomètres sur l'ensemble du territoire desservi par la SWDE. Entre le remplacement de 1.500 batteries et quelque 400 interventions techniques par an, leur travail de l’ombre assure la pleine lumière sur les flux invisibles de l’eau.

Mécanicien industriel de formation, diplômé des Aumôniers du Travail de Charleroi, René cumule 25 années d’expérience à la SWDE. Ce matin, il quitte enfin les écrans et le bureau pour retrouver ce qu’il aime par-dessus tout : le terrain. Avant de partir, il procède au réassort quotidien du stock de son véhicule, sans jamais consulter de liste. Sa mémoire, affûtée par l’habitude, garde le compte exact des pièces sorties la veille.

Sa camionnette attitrée, toujours garée au même emplacement, tient lieu de second bureau. À l’arrière, tout est prêt : pièces de rechange, groupe électrogène, pompe à eau… De quoi intervenir rapidement, en toute autonomie. Peu de choses impressionnent ce technicien aguerri au solide parcours professionnel (de Boël à Caterpillar), pas même l’évolution informatique des outils ou des méthodes.

Cap sur la région verviétoise à plus de 125 kilomètres de sa résidence administrative. René dit que le gps est sa meilleure copine. Par principe, il ne remet jamais en question la voix féminine qui le guide. Elle a toujours raison, dit-il en souriant. Mais si la route est son quotidien, elle n’est pas toujours son alliée. Embouteillages, travaux, ralentissements imprévus, René les redoute. Ce qu’il déteste le plus dans son métier ? Cette valse désordonnée de freinages brusques, d’accélérations soudaines, d’hésitations et de contournements qui semblent se rejouer à l’infini.

Gemmenich - Nettoyage méticuleux d’une armoire électrique. L’homme d’extérieur se fait, le temps d’une intervention, homme d’intérieur, à condition que les locataires à huit pattes restent à distance. René déteste sentir les araignées lui courir le long du bras. Alors, il les déloge doucement, armé d’une brosse ou, pour les plus obstinées, d’une simple feuille de papier. Mais quand ce sont des guêpes qui ont élu domicile dans l’armoire, la patience s’efface. Sa tolérance a ses limites.

Un simple coup d’œil a suffi à René pour identifier le disjoncteur sauté, victime des orages de la semaine précédente. Puisqu’il est sur place, il en profite pour vérifier le couplage entre le débitmètre et le datalogger, s’assurant que les données circulent comme prévu. Avant de repartir, il envoie un test vers le serveur. Ce soir, à Couillet, il en contrôlera les résultats sur ses écrans.

Stembert - La batterie d’un datalogger a une durée de vie d’environ dix ans. Alors qu’il ne lui reste plus que soixante jours d’autonomie, René intervient pour la remplacer. Avant de repositionner l’enregistreur de données, il veille à refermer soigneusement sa capsule, en respectant un couple de serrage précis garantissant son étanchéité selon la norme IP68. Cette certification assure une protection totale contre la poussière et l’immersion.

Heusy - Formé à la télérelève grâce à un contremaître qui lui a transmis son savoir, René maîtrise désormais la collecte à distance des données de consommation. Au fil des expériences, il a assimilé le fonctionnement des débitmètres, avant de s’initier à la programmation des cartes SIM, attribuant à chacune un numéro IP pour les connecter au serveur via le datalogger et le réseau Proximus.

Verviers - Le visiteur d’armoires électriques possède un don presque surnaturel pour les repérer. À pied ou au volant, il les localise, même lorsqu’elles ont perdu toute signalétique. Lorsqu’il quitte les lieux, il appose toujours un nouvel autocollant avec le logo de la SWDE. Un geste utile, car en moyenne, cinq armoires sont détruites chaque année dans des accidents de la route. Cela facilite le travail de la police, dit-il.

Stembert - Remplacement d’une carte électronique d’alimentation. Les appareils de mesure logés dans les armoires électriques sont parfois mis à mal par l’électricité qui circule dans l’eau des conduites, qu’importe leur matière. La lecture des débitmètres est alors perturbée. Pour prévenir ce phénomène, les conduites sont mises à la terre, en amont et en aval des armoires, au moyen de fines bagues métalliques. Car l’eau du robinet, riche en minéraux dissous, est naturellement conductrice grâce aux ions en suspension qui permettent au courant de s’y propager...

Stembert - Contrôle électrique du débitmètre, cet indispensable espion du réseau. C’est lui qui détecte les irrégularités, et parmi elles, la plus précieuse à repérer : la fuite.

Retour à Couillet - René vérifie les tests envoyés durant la tournée et consulte les observations de la nuit précédente. Toutes les quinze minutes, les dataloggers transmettent des impulsions d’index, mais ce sont les relevés nocturnes qui captent le plus l’attention du service. Entre 2 h et 4 h du matin, lorsque les consommations sont au plus bas, toute anomalie devient visible. Une hausse inexpliquée du débit à ces heures creuses trahit bien souvent la présence d'une perte anormal d'eau. Grâce à ces données fines, les équipes de détection et de réparation peuvent cibler précisément la fuite . Une fois la réparation effectuée, les courbes de débit reprennent leur tracé habituel : preuve silencieuse que la fuite a été repérée, traitée… et résolue.

Fin d'une longue journée. René regagne Forchies-la-Marche à moto. Comme son domicile est proche du bureau, il invente des détours, juste pour savourer pleinement le plaisir de piloter sa Honda. Il franchit la Sambre et quitte peu à peu le cœur industriel de Charleroi. Libéré des embouteillages où sa camionnette s’enlise chaque jour, il glisse à travers vallons et forêts, longe des haies, traverse des villages de pierre et les bois profonds de Loverval. Dans chaque courbe et chaque bout droit, il retrouve la liberté, loin du tumulte des données et du monde rigide des impulsions numériques.

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