Romain, analyste hydraulique et télégestion
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Un cadeau d'anniversaire a tracé le destin de Romain : un mini-labo électrique, un tableau lumineux, et l'envie irrépressible de commuter, relier, programmer. Après un graduat en électromécanique et un concours réussi parmi 400 candidats, il occupe aujourd'hui un rôle sur-mesure au sein du processus Exploitation.
Ce photoreportage ne reflète bien sûr pas l'ensemble des missions dévolues aux analystes hydrauliques et télégestion dont le job consiste, en très gros résumé, à connecter l'ensemble de nos infrastructures pour qu’elles puissent être contrôlées à distance. Ce n'est pas le but de cette série mensuelle Une journée avec... Nous avons accompagné Romain pendant toute une journée de travail, prise au hasard. Voici comment elle s’est déroulée…
8h04
Verviers - On peut être trentenaire et avoir ses rituels. Le petit café avant de démarrer la journée en est un. Romain ne nous dira pas si son amertume édulcore son réveil ou si la caféine est le carburant qui lui permet de commencer la journée avec énergie et détermination.
8h09
Avec son collègue Stéphane, ils n’évoquent pas encore la télégestion, cette technologie qui permet de recueillir et traiter à distance des informations pour faciliter la prise de décisions. L’ambiance est excellente dans leur équipe de sept personnes. Une belle ironie pour ceux qui rendent la distance plus proche et la proximité parfois lointaine.
9h08
Le service mise sur la standardisation des installations, en profitant des rénovations de bâtiments. Qu’il s’agisse de stations de pompage, de traitement ou de réservoirs, l’uniformisation des armoires électriques, des disjoncteurs, des débitmètres ou des capteurs de pression permet aux opérateurs de s’adapter rapidement à n’importe quelle installation. Avec son collègue Martin, ils analysent le schéma d'une zone fonctionnelle dans laquelle ils vont intervenir prochainement.
Un exemple de zone fonctionnelle9h27
Réunion hebdomadaire du jeudi où chacun expose l’état d’avancement de son travail sur le terrain. Le processus d'uniformisation globale a débuté en 2015. Si certaines installations sont déjà entièrement rénovées, il en reste plusieurs centaines à réaliser. L’Andrimontois qui a grandi proche de la nature à Thimister est un garçon mesuré et réfléchi qui domine ses datas comme Bouglione ses tigres...
10h13
En accompagnant Romain dans son univers de données, il est clair que les métiers de l'eau d'aujourd'hui n'ont plus grand-chose à voir avec ceux d’il y a trente ans. L’époque a changé, les acteurs de gestion sont passés du quantitatif au qualitatif.
11h22
Station de Hourt - Le chemin menant à ce captage près de Vielsalm est chaotique. Romain dit aimer le terrain et côtoyer la nature. Pourtant il n’y passe plus que 30% de son temps pendant lesquels il installe des capteurs et des instruments de mesure sophistiqués : des automates qui collectent des informations via des modems connectés à des réseaux de communication. Ces données sont ensuite envoyées à un système central de gestion.. Le reste de sa vie professionnelle se déroule derrière des écrans où il se nourrit de chiffres ultra-millimétrés.
11h30
Le SIPPT a déjà rendu son rapport quant aux améliorations à apporter pour la sécurité dans cette station. Garde-corps et escaliers à remplacer etc. Romain y ajoute ses indications quant aux nouveaux outils de télégestion à intégrer : capteurs de niveau, de débit, de pression, de chlore, de pH, etc. Ce local technique posé en pleine nature sur un sol forestier, réservoir d’eau pour les arbres et les hommes, semble être une illusion d’optique où technologie et terrain géologique nourricier essaient de faire bon ménage.
11h37
Dans le futur, Romain n’aura plus à se contorsionner comme une salamandre de cavités humides… Depuis les années 80, les ressources humaines internes dédiées au suivi des installations sont en diminution. C'est une tendance mondiale. Des outils de collecte de données ont été développés et installés progressivement. Face à la diversité des programmes, leur harmonisation a été confiée à des sociétés extérieures. A la SWDE, c’est la société britannique AVEVA qui assure cette mission d’ingéniosité industrielle.
11h47
Romain consigne ses remarques avant de quitter la station. Ce lieu est chargé d’histoire : en 1870, la deuxième reine des Belges, Marie-Henriette d’Autriche, alors en séjour à Spa, se rendit à la source d’eau ferrugineuse du hameau de Hourt. Avec son attelage de quatre poneys, elle dut demander l’aide des villageois pour dételer son carrosse, le chemin étant trop étroit. Aujourd’hui, Romain s’en sort plus facilement, en effectuant simplement une marche arrière maîtrisée.
12h43
Grand-Halleux - Petit arrêt en bord de route pour profiter du réseau 4G et télécharger les informations de la prochaine station à visiter. Chaque analyste a six stations à standardiser par an. La procédure est longue et complexe : rapport sécurité, compilation de tous les documents existants, visite de terrain, rédaction de la fiche de rénovation/standardisation, envoi de cette fiche à l’entrepreneur sous-traitant désigné pour un marché de quatre ans, revisite avec l’entrepreneur, analyse de son devis et des schémas de mise aux normes, visite des travaux en cours, visite finale de mise en service et test des paramètres.
14h06
Station de Herve Sauny - Romain doit remplir une nouvelle fiche descriptive pour les travaux de rénovation et de standardisation des installations. Ce site vieillissant nécessite aussi de nouvelles conduites et vannes. Travailleur acharné, il tient cette valeur de ses parents. Dans sa vie privée, Romain aime les plaisirs simples : des repas dans des restaurants locaux ou des sorties entre amis. Expert en friteries, il en connaît de nombreuses grâce à ses déplacements professionnels en provinces de Liège et Luxembourg.
14h11
Romain photographie tous les éléments qui attirent son attention. Tout y est consigné : l’armoire électrique, les accessoires comme les débimètres, les capteurs de pression, l’installation électrique tertiaire qui passera du néon aux leds, la pompe doseuse de chlore, le chloromètre, l’échelle de réservoir etc. Heureusement que l’analyste ne souffre pas d’arachnophobie car les araignées sont ses compagnes d’exploration.
15h52
Verviers - Retour au bureau. C’est le temps des chiffres et des lettres. Romain rédige le plan final qui sera envoyé à la société sous-traitante chargée des solutions techniques standardisées. Tous ses collègues remplissent exactement les mêmes fiches. A terme, cet investissement de plusieurs dizaines de millions d’euros permettra de contrôler en temps réel le fonctionnement de plus de 1.000 ouvrages de production d’eau. Quand les automates seront tous identiques, en cas de problème, un simple remplacement plug & play sera effectué !
16h36
Sa compagne institutrice déteste l’odeur du tabac. C’est la dernière cigarette que Romain fume avant son retour au bureau demain. En chemin, il ira faire les courses et surtout acheter une pièce de bœuf qu’il grillera chez lui. Il adore cuisiner, à l’instinct, sans recette. Après les fiches de travail, celles de cuisine lui sont insupportables. La cuisine lui permet de s’échapper. Comme le VTT, qu’il pratique régulièrement le week-end avec Alexiane, autour du barrage d’Eupen. Pas loin de l’eau d’ici…
Et une petite anecdote pour conclure...
Lambermont - Une intervention de nuit d’automne dans la chambre principale d’une grosse conduite d’adduction d’eau entre Eupen et Seraing. Des vannes à remplacer. Une installation à vidanger. La routine. Un détail : l’accès passe obligatoirement par une pâture. Occupée. Par des vaches limousines à la robe d’un roux flamboyant. A la tombée du jour, toutes les ruminantes regardent passer paisiblement les deux employés de la SWDE sur le vert encore intense. Rien à cette heure ne peut troubler leur sérénité brouteuse.
Romain, le petit fils de fermier connaît la musique, il s’arrête, regarde comment ces vaches allergiques au noir et blanc ont harmonisé leurs couleurs et rondeurs au paysage de saison. Son collègue veut presser le pas. Le travail n’attend pas.
Dans l’installation, le travail est pénible mais tout se passe bien. Il ne faut pas chômer afin de ne pas priver les clients d’eau dès potron-minet. Cinq heures trente, tout est terminé. L’eau s’écoule à nouveau bruyamment dans la conduite où de l’air s’est engouffré pour glouglouter. Il faut retraverser la prairie avec les outils. La nuit est encore calme. Plus pour longtemps...
La rosée du bout des herbes mouille les chevilles. C’est l’heure bleue qui déjà attaque la noirceur du ciel.
Soudain, on distingue une masse d’où deux souffles synchronisés scindent l’air froid. De plus en plus vite. Les deux employés s’arrêtent pour identifier la chose. « Nom de Dieu, lance Romain, c’est le taureau ». Qui gratte de ses antérieurs, la tête basse. Il s’arc-boute au sol déjà dénudé en meuglant. Huit cents kilos de muscles se balancent au rythme d’une respiration sifflante. Ils foncent. Il démarre.
La clôture est à cinquante mètres. A eux deux ils battent tous les records de Usain Bolt. Dans leur dos, les ahanements d’un souffle chaud. Le cornu leur réserve à chacun une de ses extrémités. Ils sautent les barbelés d’un coup et s’écroulent. Le broutard qui s’était pris pour un taureau de corrida s’arrête aux fils. Pour lui tout est rentré dans l’ordre, nul besoin de jouer l’air de Carmen. Depuis ce jour, Romain empereur d’une arène éphémère affiche un joli sourire lorsque chez le boucher il achète des tournedos…