Renaud, dessinateur SIG
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Des longueurs de conduites enterrées transformées en traits. Des formes géométriques pour figurer les appareils et les vannes du réseau de distribution d'eau. Sur les plans qu'il «dessine», Renaud rend visible l'invisible. Sa maîtrise du système d'information géographique (SIG) et sa recherche permanente de l'exactitude topographique sont précieuces pour tout qui doit se reférer à la cartographie de nos réseaux.
Ce photoreportage ne reflète bien sûr pas l'ensemble des missions dévolues aux dessinateurs chargés d'enrichir notre système d'information géographique. Ce n'est pas le but de cette série mensuelle Une journée avec... Nous avons accompagné Renaud pendant toute une journée de travail, prise au hasard. Voici comment elle s'est déroulée..
7h58
Couillet - Dans un bureau aux espaces décloisonnés, Renaud relève ses e-mails. Sa messagerie comprend plusieurs demandes de plans pour creuser voirie et trottoirs. Elles sont formulées par des sociétés qui, comme la SWDE, ont des installations enfuies dans le sous-sol: raccordements gaz, électricité, téléphonie, etc. Avant d'intervenir, elles souhaitent repérer par où passent nos canalisations pour ne pas les abîmer... Radio Nostalgie régule l’humeur des quatre autres dessinateurs présents avec de la musique feutrée sortie d’une autre époque. Visiblement, Michel Sardou, Elvis Presley, Joe Cocker et France Gall améliorent la concentration et la productivité au bureau…
8h38
Marcinelle - Renaud a sorti son nouveau joujou. Grâce à lui et à Sébastien, le recours à la canne GPS s'est institutionnalisé. La précision de cet outil destiné à fiabiliser nos plans varie entre 1 et 2 cm. Les applications visibles sur la tablette sont faciles à utiliser. Toutes les données mesurées peuvent être visualisées et utilisées immédiatement sur le SIG grâce au Service d’Enrichissement des Données (SED).
La canne GPS, la bonne idée ? [article]8h41
La canne GPS sert à pointer principalement les bouches d’incendie, les vannes, les chambres de visite et les purgeurs d’air. Lorsque les tranchées sont ouvertes, elle permet également d’indiquer sur les plans le positionnement extrêmement précis des conduites. Elle remplace le télémètre à roulette qui, même manipulé avec minutie, produisait des erreurs allant jusqu’au mètre d’écart avec la réalité du terrain.
8h47
Les bornages se suivent à la vitesse de l’éclair. En moyenne trois minutes par point. Renaud ajoute même des photographies aux éléments repérés. Jadis les commentaires lus sur les plans faisaient également référence à du bâti. Exemple : « B.I. à gauche du mur de façade du numéro 34, bord du trottoir, face au portail », sauf que ces éléments en dur ainsi que l’infrastructure routière peuvent changer avec le temps et rendre le repérage visuel caduc. Avec une précision d’un à deux centimètres, impossible de ne pas trouver l’emplacement recherché.
8h50
Tout ce qui mérite d’être référencé retient l’attention de Renaud. L’histoire de la SWDE compte également des réseaux hérités des communes ou d’autres sociétés de distribution d’eau. En fonction des moyens de l’époque, de grosses différences existent entre la localisation sur papier des installations et la réalité de terrain. Le maître de l’art canne corrige immédiatement.
9h25
En une heure, 81 points GPS ont été enregistrés par la canne. A l’ancienne, il aurait fallu minimum deux jours et demi de travail pour en faire autant avec beaucoup moins de précision. L’investissement d’environ 15.000 € vaut la peine, explique Renaud, d’autant plus que la mise au net des informations récoltées va également beaucoup plus vite.
10h15
Jumet - Intervention sur un chantier à la chaussée du Château Mondron. Un contremaître a appelé le dessinateur car sur le vieux plan, la conduite d’eau semble croiser celle de gaz de Fluxys. Une intervention doit y être programmée, mais il faut être certain des localisations. Histoire de ne pas inonder le quartier en eau gazeuse, des vérifications sont obligatoires.
10h32
Grâce à son expérience de terrain, Renaud repère la conduite d’eau qui ne passe pas dans le tablier du pont mais en diagonale, sous le RAVel. Encore un « trou pour rien » ! Avec son marquage par la canne, cette erreur ne se représentera plus. Les ouvriers qui avaient participé à la pose de la conduite d’eau sont tous pensionnés aujourd’hui et la mémoire des trajets s’est perdue faute de transmission.
13h33
De retour derrière ses écrans. Avec le report de données, Renaud enchaine la mise à jour d’autres plans revisités. Maître de l’espace précisément mesuré, il passe facilement du récit de terrain à l'analyse géographique. Les quelques heures passées avec lui laissent entrevoir une personnalité dynamique et sensible. Comme les conduites qu’il repère, c’est dans la longueur qu’il s’épanouit. Le bureau où opèrent les sept dessinateurs a des airs de scriptorium de moines copistes. Dalida à la radio en sus…
15h11
Salle d'impression des plans - Le travail du dessinateur se matérialise pour les utilisateurs finaux de son travail. Renaud éprouve une grande empathie et beaucoup d’admiration pour ses collègues de terrain qui, par tous les temps, assurent au bord des routes la continuité du service de l'eau. Grâce à ses sorties canne en main, il les croise souvent; ce qui lui permet d’aller au-delà des points et des lignes multicolores des plans.
15h20
Le secteur de maintenance de Aye (Marche-en-Famenne) a commandé des tirages papier des plusieurs plans. Renaud les imprime sur du papier résistant à l’eau et à la déchirure. L’encre utilisée provient de billes de résine estampées à haute température. Sous la pluie, les couleurs du plan ne baveront pas…
16h28
Fin de journée. Avant de rentrer à son domicile de Bouffioulx, Renaud poste les plans soigneusement pliés par l’imprimante à l’adresse du secteur de Aye. Par son travail, le dessinateur transforme le chaos en ordre. Sans revendiquer son art mais en vantant son outil, Renaud appose quotidiennement son sceau de précision et de compréhension du terrain. Sa ténacité invisible fera gagner du temps à beaucoup de collègues.
Et une petite anecdote pour conclure...
Nous sommes dans le quartier du Panama à Farciennes. Au loin, la Sambre s’écoule paisiblement. Elle donne aux espaces entre les terrils des airs de trouée interocéanique. Un ciel plombé ajoute à la morosité ambiante de l’atmosphère.
Comme d’habitude, Renaud piquète à droite à gauche, la canne GPS à la main. Un point par ci, un point par là... Le chauffeur du bus 154 le laisse même pointer son GPS à l’arrêt du Monument devant sa calandre vibrante avant de débarquer ses passagers. L’ombre du Roton, dernier charbonnage fermé en 1984, modèle le paysage urbain au passé sidérurgique déchu.
Soudain une sirène de police déchire le paysage. Un passant informe Renaud qu'elle traque un cambrioleur en fuite. Cinq minutes plus tard un premier combi s’arrête à son niveau, gyrophare deux tons allumé. Quatre agents de police s’extraient du véhicule. Leur nervosité est palpable. Ils demandent à Renaud de justifier sa présence. Il dégaine son badge pour prouver son appartenance à la SWDE. Il doit expliquer ce qu’il fait en rue avec une tablette.
D’abord dubitatifs puis rassurés, les policiers lui expliquent qu’un voleur, surpris en flagrant délit par les propriétaires d’une maison d’une cité avoisinante, s’est enfui en emportant une console de jeu vidéo dont l’écran pourrait être confondu avec celui de sa tablette… L’histoire est désopilante, surtout qu’elle s’est répétée trois fois avec trois autres patrouilles perspicaces.